Pour les candidats, l'enjeu n'est plus d'être choisi par un recruteur humain, mais d'être repéré par des algorithmes.

Selon une étude de LinkedIn France, les femmes ont tendance à moins postuler aux offres d'emploi que les hommes, et les recruteurs à moins consulter leurs candidatures. De quoi priver les entreprises de talents précieux.

Getty Images/istock

71% des professionnels du recrutement font de la parité leur priorité numéro un. C'est ce qu'affirme l'étude LinkedIn "Différence hommes-femmes dans la recherche d'emploi : quelle influence sur le parcours des candidats", publiée le 14 mai et que L'Express dévoile en exclusivité. On ne peut que s'en réjouir. Mais au-delà des bonnes intentions, quelles sont vraiment les pratiques des candidats et des recruteurs, depuis la consultation des annonces en ligne jusqu'à l'embauche effective ?

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En s'appuyant sur l'analyse des données issues des millions d'interactions entre les entreprises et les candidats en France en 2018, l'étude de LinkedIn révèle que les femmes consultent plus d'offres d'emploi que les hommes mais ne postulent pas autant qu'eux. Quant aux recruteurs, ils se penchent moins spontanément sur les profils féminins. "L'étude permet de prendre conscience des réflexes des uns et des autres, qui pénalisent autant les femmes dans leur parcours professionnel - car elles se brident -, que les entreprises qui se passent à côté des talents féminins", assure Fabienne Arata, directrice de LinkedIn France.

Des recruteurs moins attirés par les profils féminins...

Évoluer, changer de poste, avancer dans leur carrière : les Françaises y comptent bien. Si, au niveau mondial, les femmes sont un peu moins nombreuses que les hommes à se montrer à l'écoute de nouvelles opportunités (88% contre 90 % pour leurs homologues masculins), dans l'Hexagone, elles consultent plus d'offres que les messieurs (41 annonces consultées par an contre 37 pour les hommes en 2018).

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En revanche, elles ont tendance à postuler un peu moins qu'eux, mais l'écart est très limité en France (2%) alors qu'il atteint 20% au niveau mondial. Un bon point pour nous ! Il n'empêche, globalement, les femmes se lancent moins. "Dès lors qu'elles ne peuvent répondre à l'ensemble des exigences requises pour un poste, elles hésitent à tenter leur chance, alors que les hommes se montrent moins scrupuleux et plus audacieux" note Fabienne Arata.

Invoquer seulement le manque de confiance des femmes serait trop simple. L'étude révèle en effet que les recruteurs consultent plus facilement les candidatures des hommes : 13% de clics en plus sur les profils masculins que sur les profils féminins. Ça fait mal ! Et une fois la page de la candidate ouverte, un mail leur est moins souvent envoyé : 3% d'écart avec les hommes. Au nom de quoi, puisqu'elles ont bien pris garde (trop, même), de correspondre aux compétences demandées ?

"Pas de critique univoque possible, prévient Fabienne Arata, les recruteurs pouvant être des hommes... ou des femmes, exerçant dans des contextes très variables." Une explication plausible tout de même : les candidates sont 21% moins nombreuses que les candidats à mettre en avant une recommandation présentée par un employé en interne. Or les entreprises adorent ce type de références, rassurantes.

... mais des candidatures féminines mieux ciblées

Une fois franchis ces obstacles, les femmes ont, en France, légèrement plus de chance (+2%) d'être embauchées que les hommes après avoir postulé. Et même 6% de mieux après avoir candidaté pour un poste à plus haute responsabilité. L'écart est toutefois moins sensible que dans le reste du monde, où la différence en leur faveur s'établit en moyenne entre 16 et 18%.

"C'est logique, car leur candidature est plus ciblée que celle des hommes, elles ont donc plus de chance de correspondre aux attentes, et même de les dépasser", explique Fabienne Arata. En se bridant moins, en postulant davantage, elles pourraient encore augmenter leurs chances, surperformer dans les recrutements, donc dans leur carrière, malgré de possibles réflexes machistes persistants.

Pour remédier aux différents biais révélés par son étude, LinkedIn suggère aux entreprises quelques bonnes pratiques : mettre en avant les informations qui importent particulièrement aux femmes dans les descriptifs de postes - salaire et avantages sociaux, tâches opérationnelles, qualifications requises... moderato toutefois sur ce dernier point, justement pour ne pas décourager des candidates trop exigeantes avec elles-mêmes et ne se jugeant jamais assez compétentes pour répondre à une offre.

Le recrutement anonyme serait aussi à privilégier et l'on pourrait également s'appuyer un peu moins sur les fameuses recommandations qui profitent trop aux hommes. Enfin, les entreprises pourraient renforcer leur marque employeur en mettant davantage en avant les femmes sur leur site, et en rédigeant des offres d'emploi plus inclusives - certains termes font fuir la gent féminine. Toute une culture de l'embauche à repenser pour plus de parité.

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